Après nos récents articles sur nos voyages en Asie, nous avons reçu quelques commentaires nous conseillant d’aller faire telle ou telle activité avec des éléphants.

Merci des conseils les amis mais en voyageurs un minimum responsables, curieux et qui plus est soucieux de la condition animale, nous nous sommes renseignés avant d’envisager quoi que ce soit. Il ne nous a pas fallu longtemps pour découvrir une face cachée dont visiblement peu de touristes ont conscience.

Faut-il faire de l’éléphant en Asie ?(ou ailleurs dans le monde)

 

À peine arrivés à Ayutthaya nous avons rapidement croisé le chemin d’éléphants en vadrouille dans la ville. En les observant, nous avons vite remarqué que quelque chose clochait : tous ces éléphants semblaient morts de l’intérieur, comme des zombies ayant perdu leurs âmes, tristes, déprimés.

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Pour satisfaire la demande touristique (mais ce n’est pas la seule raison), tous ces éléphants ont dû être dressés. Mais apprivoiser une telle force de la nature et un être aussi intelligent n’est pas chose facile… La solution trouvée par les locaux est la violence, ou pour être précis, la torture.

Mais comment font-ils ?

Les éléphants sont pris en main par des mahouts (des dresseurs) dès le plus jeune âge (2-3 ans). La demande d’éléphanteaux est forte et la capture en milieu sauvage, bien qu’illégale, est très répandue. On anesthésie les éléphanteaux dans la nature et on chasse/tue tout éléphant qui voudrait venir le secourir. On estime que 4 éléphants adultes sont tués en moyenne pour chaque bébé attrapé. Ces éléphanteaux une fois capturés doivent être domestiqués et donc subir un rituel connu sous le nom de « phajaan« .

Qu’est ce que le phajaan ?

C’est « broyer » l’éléphant. 

L’origine du phajaan vient de la croyance ancestrale que l’on peut séparer l’esprit d’un éléphant de son corps afin qu’il perde ses réflexes et son instinct naturel sauvage et être complètement sous le contrôle de l’homme. Cette pratique n’est rien d’autre que de la torture poussée jusqu’au point où l’éléphant accepterait n’importe quoi pour ne plus revivre ce moment traumatisant. On instaure dans leurs mémoires une peur irréversible de l’homme.

blog voyage promenade elephant thailande asie phajaanGravure d’éléphant domestiqué sur les murs des temples d’Angkor au Cambodge.

Concrètement, les éléphants sont enfermés dans des cages exiguës et maltraités pendant de nombreux jours. Ils sont attachés, incapables de bouger le moindre membre, puis frappés à des endroits stratégiques… c’est-à-dire les endroits les plus sensibles où la peau est très fine (articulations, oreilles, tête, joues…)

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Pour les frapper, les dresseurs utilisent entre autre un bullhook (ou goad). Cet outil ancestral ressemble à un marteau pointu ou plutôt un pic à glace.

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blog voyage promenade elephant thailande asie phajaanLors de notre première rencontre avec des éléphants en Thaïlande on a vu un de ces outils de torture accroché sur l’oreille d’un éléphant.

Comme si cela ne suffisait pas, pendant tout ce processus (environ une semaine) on maintient les éléphants éveillés, ils sont étouffés, électrocutés, affamés et assoiffés.

Lorsque les dresseurs estiment que l’âme de l’animal a quitté son corps, ils lui accordent un peu de répit… Les éléphants sont alors entièrement soumis, la peur de l’homme gravée dans leurs mémoire pour toujours.

Ils sont malléables et c’est le moment où le dressage commence avec les commandes de base, comme se diriger. Mais aussi l’apprentissage de tâches plus folkloriques destinées à égayer les touristes.

blog voyage promenade elephant thailande asie phajaanOn peut voir sur la tête de cet éléphanteau de nombreuses cicatrices du phajaan

De nombreux éléphants ne survivent même pas à ce traitement, puisqu’environ 50% meurent pendant le phajaan. Sur la moitié qui reste en vie, une bonne partie d’entre eux devient fou ou garde des troubles de cette expérience… donc ils sont tués.

La quasi totalité des éléphants domestiqués ont subi cette torture

La vidéo suivante montre en quoi consiste le phajaan. (âmes sensibles s’abstenir)

Après le phajaan, comment sont maltraités les éléphants ?

Le phajaan n’est que le début d’un long processus qui continuera tout au long de la vie des éléphants. Les dresseurs ont pour habitude de donner des « piqûres de rappel » aux pachydermes en les frappant à certains endroits pour leur rappeler qu’ils peuvent à tout moment revivre le phajaan. Dans la majeure partie des cas, l’éléphant a un point sensible (voir une plaie constante) sur lequel le dresseur appuiera de façon discrète.

blog voyage promenade elephant thailande asie phajaanOn voit bien le mahout planter son outil dans l’arrière du crâne de l’éléphant pendant le chargement des touristes

Aujourd’hui les éléphants sont utilisés principalement pour trois activités: les travaux, le tourisme et la mendicité. Lorsqu’ils font des travaux, les éléphants sont frappés et poussés jusqu’à l’épuisement pour être plus performants.

En Thaïlande, les éléphants ont été très longtemps utilisés dans le milieu forestier. À cause de la déforestation, une loi a été votée en 1989 empêchant l’utilisation d’éléphants domestiques à ces fins. Les propriétaires de ces éléphants apprivoisés ont donc cherché comment pouvoir continuer à les exploiter pour gagner leur vie. Ils ont été reconvertis dans des activités touristiques ou dans la mendicité et le business grandit depuis sans relâche. Les éléphants mendiants sont emmenés en ville, où ils subissent l’agression urbaine et le stress.

Dans le tourisme. Il y a la balade à dos d’éléphant mais aussi des activités encore plus ridicules comme des éléphants footballeurs, des éléphants peintres, des éléphants acrobates… Aux yeux de n’importe quel touriste/spectateur l’éléphant semble s’amuser et le moment est unique… mais en réalité ce n’est rien de plus qu’une sorte de supplice auquel l’animal est contraint sous peine de nouvelles maltraitances… Il semble évident qu’il n’y a absolument rien de naturel là dedans !

Avec les promenades sur le dos de l’éléphant, ce sont les touristes eux-mêmes qui torturent l’éléphant du simple fait de grimper dessus. On a vu des photos de brochure avec des nacelles pouvant accueillir jusqu’à 8 personnes sur le dos de l’animal!

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L’éléphant peut supporter jusqu’à 150 kg sur son dos. Avec la nacelle (jusqu’à 100 kg), les touristes (± 140 kg)  et le mahout (± 60 kg), on se rend vite compte à quel point l’éléphant n’est pas ravi de promener les touristes qui lui lacèrent la colonne vertébrale à longueur de journée.

blog voyage promenade elephant thailande asie phajaanLa plupart des touristes n’ont pas conscience du traitement que subissent les éléphants. Si ils étaient informés, jamais ils ne monteraient sur la nacelle.

Les « elephant rides » se poursuivent en boucle tout au long de la journée. À peine débarqués, ils laissent la place à d’autres touristes qui se jettent déjà dans la nacelle et c’est reparti pour un tour! Les pauvres bêtes sont épuisées et n’ont pas assez de temps pour manger et boire. La plupart du temps, ils n’ont même pas une minute sans avoir des touristes sur le dos.

blog voyage promenade elephant thailande asie phajaanZone d’embarquement des touristes où les éléphants sont « garés ».

Hors spectacles et balades, les animaux sont attachés avec une petite chaîne (laissant à peine 2 mètres de liberté) pour qu’ils ne soient pas dangereux pour les visiteurs. Beaucoup d’entre eux deviennent fous, ont des troubles neurologiques, secouent la tête d’un côté et de l’autre, en attendant d’être « libérés ». Certains sont laissés au soleil, sans rien à boire ni manger. Un éléphant doit manger 200 kg de nourriture et boire 200 litres d’eau par jour. Normalement, cela nécessite de 16 à 20  heures par jour. On comprend donc pourquoi cet enchaînement est une vraie torture.

Si vous avez un jour l’occasion d’apercevoir des éléphants domestiques, observez-les. Hasard ou pas, tous les éléphants que nous avons croisé portaient des signes de maltraitance récente, des cicatrices, des traces évidentes de mauvaise santé. Certains sont plus abîmés que d’autres et il est extrêmement rare de voir un de ces animaux bien traité.

Pour résumer, voici une des nombreuses vidéos montrant le quotidien et la vie des éléphants domestiques (âmes sensibles s’abstenir).

Mais pourquoi cela existe t-il encore et pourquoi cela est-il autorisé?

Du côté des exploitants, ça rapporte un maximum d’argent! Un éléphanteau soumis (qui a donc vécu le phajaan) vaut entre $15 000 et $20 000. Quand on connaît le niveau de vie moyen en Asie, on comprend pourquoi cette exploitation continue. Le business de l’éléphant représente (par définition) une énorme part des retombées touristiques un peu partout en Asie et fait donc vivre toute une filière… Ces éléphants ne sont pas vendus seulement en Asie, mais aussi en Occident, dans les zoos et cirques. La demande croissante met en péril l’avenir de l’espèce. Au début du 20ème siècle, on comptait environ 100 000 éléphants en Thaïlande. Aujourd’hui on estime qu’il en reste un peu moins de 5 000 (la moitié sont domestiqués). À ce rythme là, la race pourrait disparaitre d’ici 30 ans. Les animaux maltraités se reproduisent moins et un grand nombre d’éléphants sauvages adultes meurent lors des captures de bébés.

Dans de nombreux pays d’Asie, les éléphants sauvages sont protégés légalement. Mais cette protection est facilement contournable. Par exemple, en Thaïlande on doit déclarer la possession d’un éléphant domestique à partir de ses 3 ans. C’est absurde puisqu’une personne peut aller dans la nature capturer un jeune éléphant sauvage, lui infliger le rituel du phajaan et aller tout naturellement déclarer l’éléphant comme domestiqué à l’âge de 3 ans.

De plus, le commerce d’ivoire et de peau d’éléphants domestiques est souvent légal. L’exploitation de l’animal et sa domestication est donc toujours très intéressante d’un point de vue financier.

Du côté du touriste, c’est tout simplement un manque d’information ! Une rapide recherche sur internet nous montre à quel point l’activité est répandue et recherchée par les voyageurs. Mais en partant du principe que chaque touriste a le choix, il peut à son échelle faire un petit pas en faveur de la condition des éléphants…
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Alors qu’est ce qu’on peut faire ?

Ce que vous voulez ! C’est à vous-même qu’il faut poser la question suivante : Est-ce que j’ai envie de cautionner cette pratique ?

Nous ne publions pas cet article pour donner des leçons, culpabiliser ou dire à qui que ce soit que faire pendant ses vacances… Nous souhaitons juste parler d’une réalité bien cachée du regard des touristes, de façon à ce que chaque personne qui sera alpaguée par un tour operator (ou qui irait d’elle-même) sache la vérité sur ce genre d’attractions et puisse faire son choix en connaissance de cause.

En balade à Chiang Mai ou ailleurs en Thaïlande, Inde, Birmanie, Laos, Cambodge, Inde, Népal, vous trouverez de nombreuses agences qui vous proposeront ces activités « merveilleuses »… On vous vendra la carte postale, le package complet, la promesse que vous repartirez avec ce que vous êtes venu chercher : une demi-journée sur le dos d’un éléphant à remplir la carte-mémoire de votre appareil pour faire un album photo à afficher sur Facebook pour impressionner vos « friends » restés dans la grisaille française… et contribuer sans le savoir à la torture atroce de ces animaux magnifiques et remarquablement sensibles et intelligents.

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Si vous souhaitez absolument rencontrer des éléphants il y a plusieurs solutions plus respectueuses de l’animal :

C’est en grande partie  à cause des touristes que ce business fonctionne, il revient donc aux touristes de prendre les bonnes décisions. L’avenir, le bien-être et surtout  la survie de milliers d’éléphants sont en jeu.

Si la demande baisse, l’offre s’adaptera en baissant aussi et pourquoi pas, à terme, disparaitre? Des programmes sérieux de réintroduction d’éléphants domestiques dans leurs milieu naturel existent et fonctionnent très bien, les animaux retrouvent un comportement sauvage et naturel.

Pour finir, ce n’est pas notre petit article de défenseurs des animaux du dimanche qui va changer les choses et faire abolir ces pratiques atroces… ce sont les humains eux-mêmes ! Donc, si tonton Robert ou votre collègue du service comptabilité vous dit qu’il part en vacances en Asie, n’hésitez pas à lui faire part de cette information, peut-être réfléchira-t-il à deux fois devant la brochure d’une de ces agences et vous aussi aurez participé à empêcher que ce business prenne encore de l’ampleur. N’hésitez pas à en parler autour de vous de façon à alerter les consciences.

À RETENIR

– Un éléphant domestique a forcement été et continue à être maltraité

– Tout ce que l’éléphant fera pour le touriste n’est pas naturel : porter des rondins de bois, faire du football, peindre avec sa trompe (dont il a besoin pour respirer)…

– Renseignez vous au mieux sur les centres qui exploitent les éléphants qui font souvent de la fausse publicité éthique.

– Si vous souhaitez quand même participer à ça, ne prenez pas les offres premiers prix. L’entretien d’un éléphant coûte cher, si les prix sont bas c’est que l’animal est surexploité ou que son entretien laisse à désirer.

 

Quelques liens et sources pour en savoir plus :

Plusieurs vidéos sur le sujet

Un article complet

Un article du National Geographic

Un article sur la question de l’éléphant au cirque

Un article dans The Independent

Une pétition avec explications

Une seconde pétition contre le phajaan

Photos National Geographic sur le phajaan

Un article sur le traumatisme crée par le phajaan

Un article sur l’impact des promenades à éléphants

Un article sur le massacre des éléphants à cause de l’industrie du tourisme

Surexploitation de la faune thaïlandaise à cause du tourisme

La vérité sur les éléphants peintres

Une vidéo sur la réintroduction des éléphants domestiques en milieu sauvage

Une association qui récupère les éléphants maltraités

Un article sur Bangkokpost sur la capture d’éléphants sauvages

Le documentaire « how I became an elephant » sur une jeune qui cherche à sauver les éléphants d’Asie

Comment sont traités les animaux dans les zoos

Le problème de la capture d’éléphants en Inde

La bande-annonce du film « an elephant never fogets »

Un article « pouquoi je regrette d’avoir fait de l’éléphant en Thaïlande »

Le film « Circle »