Tous les voyageurs qui y sont allés vous le diront : on voit beaucoup d’oiseaux au Vietnam ! Non pas dans les réserves naturelles, mais dans les villes du pays. Nichés dans de petites cages en bois, on en trouve à tous les coins de rue.
Le Vietnam et les oiseaux, toute une histoire…
La passion des vietnamiens pour les oiseaux est née dans le bouddhisme. Libérer un oiseau sauvage, c’est bon pour le karma et pour la santé ! Avoir un oiseau en cage chez soi est donc pratique pour contrer une maladie ou rééquilibrer sa vie après un acte malveillant. C’est ainsi que ce petit animal est entré dans la vie quotidienne des vietnamiens !
Les oiseaux de cérémonie bouddhiste, l’envers du décor
D’après les textes sacrés, relâcher un animal sauvage est un geste de compassion. Un tiers de la population du pays a déjà effectué une libération d’oiseau dans le cadre d’un rite religieux.
Ces oiseaux sont la plupart du temps achetés sur un lieu sacré. Ils sont conservés dans de piteuses conditions, dans de toutes petites cages. Beaucoup meurent de maladie. Après la libération, ils sont rattrapés très facilement car ils sont épuisés et désorientés. Les quelques oiseaux qui arrivent à s’en sortir meurent souvent rapidement, étant relâchés dans un environnement différent de leur habitat naturel. L’institut de surveillance d’épidémie animale de Guangzhou estime que le taux de mortalité des oiseaux de cérémonies est de 90%.
Les oiseaux ornementaux du Vietnam
L’explication principale que nous ont donné les vietnamiens sur la présence des oiseaux en cage en ville est « parce-que c’est joli ». Les beaux oiseaux, c’est de la déco ! La ville est grise et polluée, la nature laisse place au béton. Les locaux ont donc décidé de ramener un peu de nature grâce aux oiseaux sauvages. Certains mettent des bibelots ou des plantes à leurs fenêtres, d’autres des oiseaux ! Des collectionneurs passionnés existent dans tout le pays : avoir le dernier oiseau à la mode ou un tout nouveau coloris n’a pas de prix !
Les oiseaux chanteurs
Lors de notre séjour au Vietnam, le vacarme continu des rues nous a fait passer des nuits courtes accompagnées de migraines. Les klaxons sont incessants, de jour comme de nuit. Pour échapper à tout ça, des vietnamiens achètent des oiseaux chanteurs. Certaines espèces sont plus talentueuses que d’autres. Des rencontres entres passionnés ont lieu dans les parcs ou les cafés. On y passe des CD pour apprendre de nouveaux chants aux oiseaux. Il faut 3 mois en moyenne pour qu’un petit piaf apprenne une nouvelle façon de chanter. Plus l’oiseau est talentueux, plus on peut le revendre au prix fort. Dans les petites ruelles de la ville, il n’est pas rare d’entendre un chant d’oiseau entre deux coups de klaxons.
Les oiseaux rares du Vietnam, un marqueur social
L’apparence a une grande importance dans la culture vietnamienne. Il faut montrer qu’on est riche et qu’on a réussi (même quand ce n’est pas le cas). Avoir le dernier scooter à la mode garé devant chez soi ne suffit pas. Le comble du chic est d’avoir un oiseau rare et exotique à l’entrée de sa maison. Certains coûtent d’ailleurs plus cher qu’un scooter et sont surveillés par caméra.
Les oiseaux du Vietnam, un business lucratif
Le Vietnam est un des pays d’Asie qui exploite le plus sa faune sauvage… La demande en oiseaux est tellement grande qu’il faut y répondre par tous les moyens possible.
Une chasse aux oiseaux sans limite
Dans les provinces montagneuses du Nord du pays (Hạ Hòa, Hòa Bình, Phú Thọ, Cao Bằng), la chasse aux oiseaux sauvages fait vivre de nombreux villages. Cette activité s’est développée pour répondre à la demande croissante en oiseaux d’ornements qui a explosée ces 20 dernières années. D’énormes filets de plusieurs dizaines de mètres sont accrochés pour coincer tout types d’oiseaux. Beaucoup d’oiseaux se blessent dans les filets en essayant de s’échapper, d’autres sont affaiblit par la faim et la fatigue. Il faut ensuite survivre pendant le transport (chaleur, route sinueuse et cage exiguë).
Pour le chasseur, tout est bon à attraper car tout se vend.
La destruction d’un écosystème et des oiseaux en voie de disparition
Le chasseur attrape tout ce qu’il trouve, déséquilibrant une grande partie de l’écosystème. Voilà pourquoi aujourd’hui, de nombreuses forêts et montagnes du Vietnam sont « vides ». On n’y entend plus d’oiseaux chanter car ils ont disparu. Le Vietnam est le 14ème pays ayant le plus d’animaux en voie de disparition (dont 47 oiseaux). Certains oiseaux sont en danger à cause de la perte de leur habitat ou de la biodiversité.
La majorité des chasseurs ne savent pas différencier les oiseaux dont la capture est légale à ceux qui sont protégés. Même si c’était le cas, ils continueraient quand même à blesser un grand nombre d’animaux protégés avec leurs pièges et à déséquilibrer l’environnement avec une chasse sans relâche.
Une vente d’oiseaux peu surveillée
Des législations existent pour protéger un certain nombre d’espèces sauvages au Vietnam, mais les moyens financiers pour appliquer les lois ne suivent pas. Les oiseaux protégés dont la vente est illégale sont quand même vendus dans la plupart des marchés spécialisés du pays… Les experts en conservation de l’environnement affirment que les commerçants sont de plus en plus agressifs et que la nombre d’oiseaux introduit en contrebande est plus élevé que jamais. 95% des vendeurs avouent ne pas connaître la législation (espèces interdites à la vente ou régulées, mesures sanitaires).
Les marchés aux oiseaux ont lieu tous les 5 jours des mois lunaires. Il est estimé que 30 à 55% des oiseaux des marchés ne survivent pas (maladie, blessure, transport…).
De l’oiseau dans l’assiette
Un dicton vietnamien populaire dit « On peut manger tout ce qui a quatre pieds, sauf les tables. On peut manger tout ce qu’il y a dans l’océan, sauf les sous-marins. On peut manger tout ce qu’il y a dans le ciel, sauf les avions ». Bref, au Vietnam, on aime manger de tout ! C’est une fierté de goûter aux plus de mets possibles.
Un animal sauvage est perçu comme étant plus sain qu’un animal élevé dans une ferme. Il est donc largement consommé.
Le cas de l’hirondelle
L’hirondelle, symbole du printemps, est un met apprécié des vietnamiens. On en déguste juste après le Têt (le nouvel-an vietnamien) pour célébrer le changement de saison. Des pièges sont installés un peu partout, souvent à base de résine dans laquelle l’oiseau reste collé. Une hirondelle se vent 8000 dongs, soit 0,32€. Le problème c’est qu’à force de les tuer en masse, les hirondelles sont de plus en plus rares. Elles ont disparues de certains coins du Vietnam depuis quelques années…
Oiseaux du Vietnam et risques sanitaires
L’illégalité mènent à la maladie
Comme le commerce de nombreux oiseaux est illégal, les contrôles vétérinaires sont extrêmement rares dans les marchés. Les oiseaux sont entassés dans des cages, les uns sur les autres. Les fientes tombent entre les barreaux. La promiscuité stresse les oiseaux qui deviennent violents et se battent entre eux. Bref, tout ça permet aux maladies de se transmettre très facilement d’un oiseau à l’autre.
La grippe aviaire
Tous les ans, le Vietnam connaît un épisode saisonnier de grippe aviaire. Un quart des volatiles vendus dans les marchés sont susceptibles de transmettre le virus. Les oiseaux sauvages sont stockés à côté des volailles. La fin du commerce d’oiseaux sauvages est la clé pour résoudre les problèmes de grippe aviaire du pays.
Un marché pas prêt de s’arrêter
En 15 ans le nombre de vendeur s’est multiplié par 4. Chaque vendeurs proposant en moyenne dix fois plus d’oiseaux qu’avant. La majorité des oiseaux ornementaux viennent de la nature, donc le commerce d’oiseaux a encore de beaux jours devant lui…
Alors qu’est-ce qu’on peut faire ?
En tant que touriste, pas grand chose. Bien sûr, il faut éviter de développer la demande en oiseaux sauvages ce qui veut dire :
- Ne pas participer au business d’oiseaux de cérémonies dans les lieux sacrés
- Ne pas consommer d’animaux rares et en voie de disparition dans les restaurants
- Ne pas consommer d’hirondelles au printemps
- Partager l’information à des personnes se rendant au Vietnam
- Soutenir des associations qui travaillent sur le terrain comme Birdlife
Sources (en anglais)
Enquête sur l’incidence sanitaire des marchés au Vietnam
L’oiseau sauvage devient un oiseau en cage
Animaux en voie de disparition au Vietnam
Controverse du marché de Thanh Hoa
Les jardins aux piafs chanteurs
Un article sur un marché à Hanoi
Oiseau de cérémonie et conséquences sur l’environnement
Il n’est pas nécessaire d’aller au Vietnam pour constater la maltraitance et le non respect des lois – ceci est un article du journal belge « La Dernière Heure » (mais je concède que le Vietnam est un endroit particulier ou il ne fait pas bon faire partie du règne animal!)
Bien entendu, le non respect des lois existent partout. Dans l’article, nous parlons surtout de la place particulière de l’oiseau dans la culture vietnamienne et de son exploitation abusive.
Julie Devait : quelques précisions sur cet aspect du voyage qui t’avait choquée…
Merci pour cet article triste mais instructif! …
Merci !
C’est assez similaire en Indonésie avec de grands marché aux oiseaux ! Girltrotter
Bonjour a vous deux et merci pour cet excellent article, très instructif !
Je voyage actuellement au Vietnam avec ma femme et nos deux enfants pour 3 semaines: nous n’étions pas au courant de l’origine de l’attrait des vietnamiens pour les oiseaux, pas plus que des conséquences catastrophiques de la chasse qui leur est menée.
Je suis tombé sur votre article via Google que j’interrogeais pour connaitre le nom de l’oiseau qui nous réveille le matin avec son chant étrange (on ne l’a jamais vu, juste entendu) sur l’île de Phu Quoc.
Si vous avez des idées, merci de me répondre ! (Je pense que c’est un gros oiseau).
J’admire beaucoup votre choix de vie: c’est très courageux et très humain à une époque marquée par la perte de sens généralisée. Bravo a vous deux !!
Je suis allée au Vietnam l’année dernière et c’est la chose qui m’a frappée immédiatement, on n’entendait aucun chant d’oiseaux… C’était très étrange !!! J’ai vu des cages à oiseaux à l’entrée des temples mais je pensais qu’elles étaient vides car il n’y avait aucun mouvement ni aucun chant. En me rapprochant, j’ai aperçu un oiseau prostré et silencieux. C’est épouvantable ! Non seulement, il n’y a plus bcp d’oiseaux, mais ceux qui restent se gardent bien de chanter pour ne pas se faire attraper… Je les comprends. Venez chez nous ! Vous serez heureux et en liberté…
Les commentaires s’harmonisent au ton et au contenu de l’article: les oiseaux seraient absents de certaines zones à cause de Vietnamiens et (donc) de leur attrait pour ces jolies petites bêtes. Il faut avoir très peu d’esprit scientifique (et surtout très peu d’ouverture d’esprit) pour faire ce genre d’explication monolithique (d’une réalité incontournable, certes, mais contrastée et pas du tout généralisée). J’ai vu beaucoup d’oiseaux au Vietnam, en montagne d’abord, dans les campagnes ensuite, et dans certaines villes enfin (Hué par ex). Dans les villes très polluées, le phénomène est réel et notable. Et dans les zones où l’Agent orange a été déversés par les Français puis les Américains, les conséquences biologiques et écologiques sont encore palpables, y compris sur les naissances de bébés (humains) déformés et handicapés. La pratique des oiseaux en cage a été très courante en France, à une époque, et les oiseaux n’ont pas disparu pour autant : il doit donc bien y avoir une autre explication que la seule et unique pratique des cages pour comprendre les zones vietnamiennes sans oiseaux….