Cela fait plus de 8 ans que nous sommes accros au voyage. C’est une drogue, une raison d’être, une façon de se sentir vivant. Même les pires galères de voyage laissent de meilleurs souvenirs qu’une journée métro-boulot-dodo.

« Voyager c’est naître et mourir à chaque instant. » Victor Hugo

Comparer le voyage à une drogue n’est pas anodin. Le dictionnaire Larousse donne cette définition

Drogue : nom féminin. Chose qui grise, intoxique l’esprit ou dont on ne saurait psychologiquement se passer.

Alors, le voyage est-il une drogue ? Les similitudes sont troublantes…

LE VOYAGE REND DÉPENDANT

  • On parle souvent de virus du voyage. Une fois qu’on y a goûté on ne peut plus s’en passer.
  • L’obsession apparaît alors : on a besoin de recommencer. Il nous faut notre dose ! Il est essentiel de retrouver cette sensation de bien-être que le voyage procure.
  • Un besoin insatiable de découvrir le monde nous prend aux tripes  : on veut des sensations grisantes, en finir avec la monotonie, donner un sens à sa vie.
  • Cela peut parfois virer à l’obsession : on passe nos journées sur des comparateurs de vols, le nez dans des guides de voyages à préparer de nouveaux projets.

adventurer

LES EFFETS PSYCHOLOGIQUE ET PHYSIOLOGIQUE DU VOYAGE

Une des particularités des drogues sont les effets qu’elles ont sur le système nerveux : ivresse, perturbations des fonctions motrices, euphorie, anxiété, désinhibition, hallucination…

  • Le voyage fait planer. Être ailleurs est vraiment grisant, souvent associé à une sensation de bien-être. Il nous est arrivé à de nombreuses reprises d’avoir l’impression d’être dans un rêve tant ce que nous vivions semblait irréel.
  • Quand on est à l’étranger on fait des efforts physiques, ce qui augmente significativement la production d’endorphine, hormone du bien-être et de l’euphorie. Le fait d’être dans un lieu inconnu fait aussi monter l’adrénaline, ce qui  donne de l’énergie. Le cerveau humain est fait pour répondre positivement à la nouveauté. L’apprentissage, « y a que ça de vrai » ! Les sens sont en éveil.
  • Comme certaines drogues (morphine, médicaments), le voyage peut soigner ! C’est un excellent antidépresseur qui permet de se déconnecter d’une vie quotidienne trop difficile. Voir ce que d’autres vivent dans le monde aide à relativiser sur sa situation personnelle. Le stress diminue, donc la santé s’améliore.
  • Certains voyageurs ont des révélations spirituelles. Découvrir le monde permet de se découvrir soi-même. C’est comprendre sa petitesse sur cette planète. Voyager c’est aussi découvrir l’autre, être plus ouvert, comprendre et accepter la différence.
  • Tous les repères de notre vie quotidienne sont chamboulés en voyage : température, altitude, pureté de l’air, ensoleillement, alimentation. Notre corps essaie donc de s’adapter à ces changements mais passe parfois par la case « désordre physiologique » : tourista, coup de soleil, mal aigu des montagnes, hypothermie…

La différence notable entre drogue et voyage est l’absence d’ingestion de substance. Les changements physiologiques et psychologiques ne sont pas créés par des principes actifs.

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TRIP ET BAD TRIP

En anglais « trip » veut dire voyage.

  • La phase de montée est toujours la plus agréable. On « tripe », transportés dans une autre réalité. Puis on est envahit pas des odeurs inconnues, une atmosphère vibrante, une langue qu’on ne comprend pas, une architecture différente, une culture riche… Ces sensations sont à la fois épuisantes et énergisantes. Le monde et ses habitants nous semblent extraordinaires. Nombreux sont les drogués qui partagent cette sensation d’amour universel et de bienveillance quand ils ingèrent un composé. Chaque voyage est remplit de bonheur et de découvertes.
  • Tout comme les drogue de rituels (initiaque/éveil) qui sont encore consommées dans certaines tribus indigènes, le voyage permet  de modifier sa perception du monde. Cela aide à avoir une conscience plus globale des choses de la vie, de vivre d’avantage dans le présent. On sait qu’une autre réalité existe. Tout ce qu’on pensait savoir est remis en question. Le voyage est en quelques sorte une reprogrammation. On prend conscience qu’on ne sait pas grand chose et qu’on n’est pas grand chose.
  • Sortir de sa zone de confort transforme la vie en voyage en une succession de réussites : finir une randonnée, apprendre quelques mots dans une nouvelle langue, goûter un plat inconnu ou tout simplement trouver de l’eau potable, un lit à peu près confortable ou prendre une douche chaude.
  • Et puis il y a le bad trip, littéralement le mauvais voyage. L’expérience vire au cauchemar, la descente est un enfer. On se demande quand ça va s’arrêter, si on va s’en sortir, on regrette d’avoir tenté l’expérience. L’angoisse et la panique nous envahissent, certain y laissent leur peau… On a connu ça à plusieurs reprises, comme quand on s’est retrouvé bloqué dans un village en Bolivie, quand notre voiture a pris feu dans le désert australien, quand notre chauffage est tombé en panne en plein hiver canadien (-20°), quand Seth s’est retrouvé à l’hôpital en Thaïlande, quand on s’est retrouvé coincé au milieu d‘incendies de forêts meurtriers.
  • L’expérience traumatisante du bad trip peut changer considérablement sa conception du voyage. Pour ne plus jamais vivre ce genre d’expérience, certains font des choix drastiques: éviter les pays ayant des problèmes sanitaires, sécuritaires, climatiques, politiques, etc…

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VOYAGE ET ACCOUTUMANCE

« Avec le temps, la passion des voyages s’éteint, à moins qu’on ai voyagé assez longtemps pour devenir étranger à sa propre patrie. » Gérard de Nerval

  • C’est le triste destin du drogué au voyage. Plus il voyage, plus il découvre, moins il est étonné. Tout fini par ressembler à quelque chose qu’il a déjà vu ou vécu ailleurs dans le monde. C’est la rareté et la découverte qui créent le bonheur.
  • Il en faut donc toujours plus, des sensations plus fortes, des voyages plus longs, des zones plus reculées, des activités plus extrêmes. Tout comme le drogué qui recherche toujours de nouvelles façon de planer, le voyageur lui aussi teste différentes façons d’explorer : road trip, auto-stop, tour du monde, week-end, tour organisé, safari, trek, camping…
  • Le monde si merveilleux peut devenir fade.  Où sont passées les sensations extrêmes de liberté du premier road-trip ? Les premières larmes de bonheur devant un coucher de soleil sur l’océan ? L’hystérie avec l’apparition d’aurores boréales ? L’orgasme culinaire provoqué par la découverte de nouvelles saveurs au Vietnam ?
  • On a remarqué qu’après 3 mois hors de notre zone de confort, le désir de rentrer se poser devient plus fort que celui de découvrir le monde. Le voyage finit par nous fatiguer. Evidemment, si on rentre, le désir de repartir revient après quelques jours.

De nombreux nomades s’accordent des pauses en voyage pour éviter l’accoutumance. Ce petit confort est apprécié (enfin une douche chaude et un lit douillé) et permet de garder sa curiosité intacte !

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LE VOYAGE COÛTE CHER

On n’est pas vraiment des pros du marché de la drogue, mais un voyage coûte certainement plus cher qu’un joint de marijuana, une dose d’ecstasy ou une bonne bouteille de vin. Cela a aussi un certain prix sur la vie sociale et professionnelle. Il est facile de se retrouver isolé à cause de cette dépendance.

  • Voyager gratuitement, c’est presque mission impossible. On avait déjà livré nos astuces pour les voyageurs à petit budget, mais certaines choses ne seront jamais gratuites comme l’assurance santé et les visas.
  • Pour pouvoir voyager régulièrement, cela implique un certain nombre de sacrifices : dépenses de la vie quotidiennes réduites, petits boulots (difficile d’avoir un travail stable quand on voyage souvent), colocation (pour éviter d’être coincé avec un bail locatif), conditions de vie sommaires.
  • Les relations sociales sont difficiles à entretenir. Comment garder des amis quand on est à plusieurs milliers de kilomètres et sur différents fuseaux horaires ? Quand on déménage régulièrement ? Des conflits avec les proches peuvent subvenir. Les relations tissées avec des gens rencontrés sur la route sont souvent superficielles et éphémères.  La vie de famille est également très difficile à concilier avec une vie de nomade. Et on ne vous parle pas des couples qui se séparent à cause des relations à distance ou des désaccords en voyage…
  • Quand le voyage devient la priorité, la vie professionnelle est mise entre parenthèse : plus de plan de carrière, de cotisation pour la retraite, de salaire régulier. On pense à court terme et non plus sur toute une vie.

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SE SEVRER DU VOYAGE

On l’avoue, on est accro. Plus on voyage, plus on a envie d’ailleurs. Mais il faut savoir se raisonner, parce qu’on n’est pas millionnaires.

  • Après un long voyage, le retour à la réalité est toujours difficile. La vie peut sembler sans intérêt, vide de sens. Par exemple, après avoir goûté à la vraie cuisine thaïlandaise dans les rues de Thaïlande, plus aucun restaurant thaï en France ne trouvera grâce à vos yeux.
  • Les voyageurs ont des solutions pour passer à autre chose: écrire un blog, lire des bouquins, regarder des documentaires ou encore parler à d’autres voyageurs en manque.
  • Quand le désir de repartir est vraiment trop grand, on va faire un tour sur Google Maps ou Google Street View pour observer le monde sur internet, on s’improvise des parties de geoguessr, on va  sur un comparateur de vol et on s’amuse à voir où on pourrait aller, on se fait des plats typiques de tel ou tel pays qui nous manque ou que nous aimerions découvrir. Ça permet de faire redescendre la vapeur et d’aller un peu mieux en attendant le prochain voyage.

vue paisible

« Il me semble parfois qu’entre la recherche et la découverte, il s’est formé une relation comparable à celle qui s’institue entre la drogue et l’intoxiqué. » Paul Valéry